L'impôt volontaire est d'abord un acte européen par Nicolas Levrat |
Mai 2006 | Tweet |
Dans une Europe qui valorise la liberté démocratique, les citoyens n’ont pas besoin d’y être autorisé pour prendre une initiative. Aussi, portés par un sentiment d’urgence démocratique, nous prenons ce jour l’initiative de lancer le Fonds Utile Solidarités Europe (FUSE).
1. Appel
Nous, citoyens d’Europe, demandons à contribuer directement à l’impôt européen, parce qu’il n’y a pas de représentation sans contribution. Nous voulons participer aux choix politiques européens, pour que ceux-ci reflètent mieux les priorités et les préoccupations des Européens ; nous souhaitons donc être, par le biais de l’impôt, en capacité de contribuer à l’Europe politique.
N’étant pas en position de lever l’impôt, nous proposons donc un substitut temporaire, le FUSE (Fonds Utile de Solidarités européenne). Cette initiative ne vise pas à établir un système permanent et efficace de perception de ressources pour l’Europe. Notre action s’inscrit largement, et principalement dans le symbolique. Il est possible et probable que d’autres modalités d’imposition se révèlent plus efficaces pour financer une puissance publique européenne. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas la somme, mais la qualité de cet impôt. Ce qui importe, c’est d’établir ce lien entre citoyens et politique, au niveau européen, par cette participation qui emporte la représentation.
D’où l’initiative FUSE.
2. Principes
Le FUSE, ce sont quatre principes relativement simples, qui permettent d’anticiper l’impôt européen, et partant autorisent la réalisation de l’Europe démocratique.
Premièrement, le Fonds Utile de Solidarités européenne (FUSE) doit être en mesure de recueillir les contributions volontaires de citoyens européens. L’objectif initial est de permettre à 5 millions d’européens de contribuer annuellement d’un montant de 12 Euros au projet européen. Sera citoyen européen, au sens du FUSE, qui contribue. Et si par extraordinaire il se trouve quelques milliers de bosniaques, kossovars, marocains, serbes, suisses ou turcs, au côté des allemands, autrichiens, belges, britanniques, chypriotes, danois, espagnols, estoniens, finlandais, français, grecs, hongrois, irlandais, italiens, lettons, lituaniens, luxembourgeois, maltais, néerlandais, polonais, portugais, slovaques, slovènes, suédois ou tchèques, tant mieux. Dans ce schéma, la citoyenneté européenne est le choix de chacun, assez proche du plébiscite permanent cher à Renan. Ce n’est pas pour nous délpaire.
Deuxièmement, cette communauté des européens qui font le choix de l’Europe (les Fusains et les Fusées) doit décider des projets européens prioritaires qu’ils souhaitent voir réaliser par l’espace politique qu’ils instituent par leur contribution volontaire. Cette phase, une des plus intéressante de l’initiative, revient à créer un véritable espace délibératif, précurseur d’une Europe politique telle que nous l’entendons. Au sein de ce proto-espace proto-délibératif, nous essaimons et cultivons les ferments d’Europe. Cela se réalisera par des ateliers de la démocratie européenne, ancrés en des rencontres qui se tiendront à travers la France et l’Europe, selon la méthode des ateliers de la démocratie locale (voir Causes communes et la méthode ci-dessous).
Troisièmement – et ce ne sera ni le moins intéressant, ni le plus facile – il faudra négocier avec les institutions européennes légitimes (le Conseil, le Parlement et la Commission, les gouvernements et Parlements nationaux) le co-financement des projets européens que les citoyens européens, via l’espace délibératif engendré par le FUSE, veulent prioritairement voir réalisés. Le FUSE ne vise pas à créer un moyen d’auto-financement pour un ONG additionnelle. L’idée est bien de constituer un espace délibératif – dont la légitimité découle de la contribution volontaire à un pré-impôt européen – qui permettre aux citoyens de participer directement au processus décisionnel européen. Mais pas seuls, ni contre ni sans les institutions européennes légitimes. Au contraire, c’est avec elles, ensemble, que nous ferons. Nous allons inventer la co-décision entre institutions (pas assez) représentatives et citoyens d’Europe.
Quatrièmement – et si les objectifs précédent ont été atteints, il faudra vraiment veiller scrupuleusement à la réalisation de cette dernière étape – il conviendra de restituer ces processus pré-démocratiques et pré-politiques, au champ enfin constitué du politique européen. Ainsi, FUSE, c’est l’anticipation de l’impôt européen, c’est-à-dire la matérialisation de la possibilité de l’Europe politique.
Nous n’en attendons pas moins des institutions européennes et nationales partenaires.
Des instances aussi légères que possible seront chargées de la coordination des initiatives et du respect de la Charte. Ce sont les Fusains et les Fusées qui auront à les définir.
Nicolas Levrat
Professeur de droit international à l'université de Genève
Membre de Causes Communes (Genève)