Pétition ICE pour le Oui à la constitution européenne par Alain Tedgui |
Avril 2005 |
Nous votons OUI à la nouvelle constitution européenne, sans réserve, pour les principes qu’elle affirme et pour les avancées qu’elle propose pour le fonctionnement des institutions européennes.
Les tenants du NON à la constitution jugent la bouteille à moitié vide.
1. La constitution européenne serait trop libérale, pas assez sociale : elle n’offrirait pas de solutions concrètes aux problèmes les plus criants comme le chômage et la concurrence des pays émergents.
Il s’agit là d’un mauvais procès fait à l’Europe. Trente ans de politiques de l’emploi et de lutte contre la fracture sociale, menées par des gouvernements français, de gauche comme de droite, n’ont vaincu ni le chômage ni la pauvreté. L’Europe n’y est pour rien. Le système social français montre ses limites. Il est pathétique de vouloir, sur ce plan, donner des leçons à la terre entière.
2. Les services publics, vécus comme l’ultime rempart contre la précarité, ne seraient pas suffisamment défendus.
Indispensable pour les services d’intérêt général qu’il est le seul à pouvoir rendre, le service public ne peut être à lui seul garant de prospérité dans la compétition internationale d’aujourd’hui. Les opportunités de développement offertes par la croissance des pays nouvellement industrialisés comme la Chine, ou celle, prometteuse, des pays de l’ancien bloc de l’Est qui ont rejoint l’Europe ne seront pas partagées par des économies refermées sur elles-mêmes. L’expérience des régimes socialistes nous enseigne que le capitalisme d’état est incapable d’assurer les besoins de la population ; il n’a fait que mener les régimes communistes à la faillite et à la misère sociale.
3. La constitution ne serait pas suffisamment citoyenne.
La construction européenne est surtout restée, il est vrai, une activité inter-gouvernementale dépolitisée, abusant bien souvent de réglementations obscures. Mais en un quart de siècle nul n’a été capable de construire un espace politique européen commun, avec des partis constitués, permettant de mener un vrai débat démocratique sur le type de développement social voulu. Est-ce à la constitution de définir le mode d’organisation des partis en Europe ?
Mais bien sûr, ils oublient la moitié pleine, ils oublient les acquis européens innombrables.
1. Le plus important est sans nul doute l’assurance d’une paix prolongée sur le vieux continent, et d’une cohésion politique renforcée par l’accueil des pays de l’ancien bloc socialiste.
La constitution européenne est une des premières pierres démocratique et pacifique, à cette communauté de destin que tous les Européens partagent, qu’ils le veuillent ou non, y compris dans la zizanie ou sous le feu de nationalismes criminels. Les promesses de la construction européenne ne sont pas toutes accomplies, mais sa contribution à l’affaiblissement des nationalismes et à la paix européenne reste décisive.
2. Les principes de solidarité et de prise en compte des besoins sociaux sont explicites et pourront servir de références dans les prochains débats.
Ces principes sont un puissant levier sur lequel pourront s’appuyer la commission européenne, gardienne de la constitution et des institutions, et surtout les opinions européennes afin de soutenir ou de critiquer les politiques proposées. La Cour européenne de justice qui peut déjà être saisie directement par les citoyens est promise à un nouveau rôle d’arbitre des décisions. Le principe de citoyenneté politique transnationale en Europe pourrait enfin émerger.
3. La lutte contre toute forme de discrimination (raciale, religieuse, de sexe) et la reconnaissance de l’égalité homme-femme sont clairement affirmées.
Ce sont là des valeurs qu’aucun texte constitutionnel n’avait jusqu’ici aussi précisément énoncées.
Les sensibilités politiques en Europe sont contradictoires et mouvantes. La négociation, le débat, le compromis sont notre horizon. Il y a là comme un nouvel et difficile apprentissage de la démocratie à l’échelle d’un continent. Il n’y a pas meilleur destin. Nous l’acceptons sans crainte en votant et en appelant à voter OUI à la nouvelle constitution de l’Europe.
Alain Tedgui, Directeur de recherche à l'INSERM
Vice-président de l’association ICE